Le Programme national nutrition-santé, site de l’agence nationale de santé publique « Santé publique France », recommande de manger trois repas par jour, voire quatre pour les enfants (avec le goûter) : « Les nutritionnistes recommandent de se caler sur trois repas par jour : le petit déjeuner, le déjeuner, le dîner, plus éventuellement un goûter pour les enfants. »(1) Sur la même page, un peu plus loin, on trouve même cette affirmation : « Sauter un repas fait courir le risque à notre corps de se rattraper au repas suivant. Il aura donc tendance à stocker en prévision d’une prochaine « famine » qu’il pourrait avoir à subir ! ». Le petit déjeuner est donc recommandé, selon elle, pour tout le monde. Or, cette recommandation ne cadre ni avec la physiologie, ni avec l’expérience de nombreuses personnes qui se passent du petit déjeuner.

1 - La digestion, le cortisol et la nuit

A. LE PROCESSUS DIGESTIF

La digestion des aliments commence dans la bouche, avec la mastication qui réduit les bouchées en plus petites particules et leur imprégnation par la salive (insalivation), celle-ci étant riche en enzymes qui commencent à dégrader certains composants de l’aliment ingéré.

Elle se poursuit dans l’estomac, après passage par l’œsophage, puis dans l’intestin grêle ou les nutriments sont absorbés dans le sang ou la lymphe ; ils passent à ce moment dans le « milieu intérieur » ; quand ils sont dans le tube digestif, ils sont encore à l’extérieur de l’organisme, et c’est pour cela que le système immunitaire est à 70 % environ dans les intestins, histoire de ne pas laisser entrer n’importe quoi dans le sang, et de pouvoir donner l’alerte si des indésirables sont présents dans le bol alimentaire.

Tout ce processus nécessite de l’énergie : selon la quantité et la nature des aliments, de 10 à 50 % de votre énergie est mobilisée par la digestion. C’est important, et en tout cas jamais anodin…

B. LE CORTISOL

De plus, les glandes surrénales (situées au-dessus des reins) sécrètent du cortisol le matin pour faciliter l’éveil ; il s’agit d’une hormone qui a également plusieurs actions importantes, notamment un rôle régulateur de l’inflammation ; c’est également elle qui permet de s’adapter à un stress, c’est pourquoi elle est parfois appelée « hormone du stress ».

Un humain qui subit un stress a principalement deux réactions possibles : la lutte ou la fuite. Pour lutter ou fuir, il faut que les muscles soient prêts à l’action ; la digestion et tous les processus en cours, notamment ceux de réparation des tissus, sont mis en pause par l’action du cortisol, afin de rediriger l’énergie vers les muscles, pour pouvoir faire face à la situation. Que l’individu choisisse la lutte ou la fuite, il aura en effet besoin de ses muscles…

Or, le cortisol, sécrété particulièrement le matin pour sortir du sommeil, a donc la particularité de freiner la digestion… Le pic de cortisol, c’est-à-dire le moment où nous en sécrétons le plus, intervient aux alentours de 9 h du matin, heure solaire ; cela correspond à 10 h en heure d’hiver et 11 h en heure d’été, compte tenu du décalage de nos horloges avec l’heure solaire. Ensuite, la sécrétion commence à diminuer progressivement.

Prendre un petit déjeuner à 7 heures du matin, voire avant, nous met dans les pires conditions pour le digérer, puisque la sécrétion de cortisol est en phase ascendante. Il est plus difficile de nager à contre‑courant qu’avec lui, et cela nécessite plus d’énergie…

C. LA NUIT, PÉRIODE DETOXIATION

La nuit, l’organisme profite de la forte diminution des activités physiques, émotionnelles et mentales pendant le sommeil pour éliminer les déchets qui l’encombrent, grâce à l’énergie vitale libérée.

Or, si le repas du soir se termine à 21 h, par exemple, et que le lendemain, dès 7 h du matin, nous sommes à la table du petit déjeuner, cela fait une plage horaire entre 5 et 9 heures (selon le contenu du repas du soir, d’un point de vue quantitatif et qualitatif) pour cette fonction incontournable. C’est très court, et d’autant plus court que l’alimentation est plus encrassante…

D’ailleurs, le mot déjeuner veut dire, étymologiquement, rompre le jeûne. Le repas pris entre midi et 14 h (la plupart du temps) n’est plus à proprement parler un « dé-jeûner » si l’on a déjà rompu le jeûne de la nuit en début de matinée !

2 – Le jeune intermitent ou alimentation intermittente

Pour tenir compte de ces réalités physiologiques, il est possible de se nourrir de façon intermittente, c’est-à-dire en concentrant les prises alimentaires sur une plage horaire plus réduite.

A. SAUTER LE PETIT DÉJEUNER, DANGER OU BIENFAIT ?

Sauter le petit-déjeuner est souvent mal vu ; il est de bon ton de dire que c’est le repas le plus important de la journée ; de plus, il a longtemps été soutenu qu’il était important pour la santé, parce que statistiquement, ceux qui prenaient un petit déjeuner étaient en meilleure santé que ceux qui n’en prenaient pas.

Mais des études plus récentes ont permis d’établir que le mode de vie de ceux qui sautaient le petit-déjeuner était « en moyenne » plus malsain : ils fumaient plus, buvaient plus et faisaient moins d’activité physique (2).

On a donc attribué à l’absence de petit déjeuner l’effet de comportements sans rapport avec elle !

Non seulement sauter le petit déjeuner n’est pas néfaste, mais c’est un comportement naturel bien plus en phase avec le fonctionnement physiologique de l’organisme, qui lui laisse plus de temps pour « faire le ménage », comme nous l’avons vu. Reprenons l’exemple du repas du soir terminé à 21 h ; si le repas suivant est à midi le lendemain, le temps de nettoyage passe dans une fourchette entre 10 et 14 heures (au lieu de entre 5 et 9 heures en cas de petit déjeuner à 7 heures du matin).

Pendant cette période, l’organisme va puiser dans ses réserves, notamment de glycogène (stocké principalement dans le foie et les muscles) pour alimenter les organes en glucose ; de fait, le glucagon, hormone sécrétée par le pancréas qui permet de transformer le glycogène en glucose, augmente nettement pendant la période de jeûne. De nombreuses personnes ont ainsi vu leur surpoids ou / et leur résistance à l’insuline diminuer.

De plus, en mangeant après le pic de cortisol, la digestion est facilitée. Sans compter les nombreux bienfaits liés au jeûne intermittent : énergie décuplée (celle qui n’est pas monopolisée par notre tube digestif est disponible pour autre chose !), autoguérison activée (pour la même raison), prévention des maladies cardiovasculaires et neurodégénératives, du diabète, de l’obésité, etc.

Écoutons Mark Mattson, chef du laboratoire de neuroscience au NIH (« national institut of health » = institut national de la santé aux États-Unis) : « Lorsque vous avez faim et que vous n’avez pas mangé depuis une longue période, vos cellules nerveuses sont plus actives et, sur le plan de l’évolution, cela est parfaitement logique. Prétendons que vous êtes un animal dans la jungle et que vous n’avez pas trouvé de nourriture depuis longtemps, vous aurez intérêt à garder vos cellules cérébrales actives pour que vous puissiez réussir à obtenir de la nourriture ».(3)

Enfin, de nombreux produits pour petit déjeuner contiennent des teneurs élevées en sucre ou / et sont des produits ultra-transformés néfastes pour la santé (4). S’en passer ne peut donc être que bénéfique !

B. FAITES VOTRE PROPRE EXPÉRIENCE

Le mieux est de faire sa propre expérience. Pour ma part, je suis dans ma sixième année sans petit déjeuner, et j’en suis ravie à tous points de vue : gain de temps, d’argent, d’énergie et de santé. Je suis au mieux de ma forme le matin ; je me réveille la plupart du temps avant le réveil, fraîche et dispose. Je peux consacrer ma matinée à ce que j’ai choisi de faire sans me soucier de manger.

Les enfants peuvent aussi sauter le petit déjeuner tous les jours avec profit, et c’est ce que nombre d’entre eux font naturellement si on les écoute ; comme les adultes, il est contre‑productif de les forcer à manger. S’ils ne souhaitent pas manger au réveil, le mieux est de leur donner un encas naturel et nourrissant (les fruits de saison sont idéaux ; ex. : banane en hiver, pomme en automne) à emporter à l’école, pour manger à la récréation en cas de faim. Et s’ils préfèrent attendre le déjeuner, le plus important pour leur santé est… que leurs parents ne s’inquiètent pas et ne leur mettent pas la pression pour qu’ils mangent absolument avant le déjeuner ! La nature est intelligente. S’ils n’ont pas faim avant l’heure du déjeuner, c’est que c’est le mieux pour eux. Sauf situation extrême, un enfant ne se laisse pas mourir de faim.

Si les parents testent le jeûne intermittent en sautant le petit déjeuner, cela pourrait d’ailleurs les amener à mieux comprendre leur progéniture qui ne veut pas manger le matin… 😉

Certaines personnes sont plus à l’aise avec l’idée de sauter le repas du soir, voire le déjeuner, plutôt que le petit déjeuner. Pourquoi pas, si c’est en phase avec votre ressenti sur la faim ; si vous n’avez pas faim le midi ou le soir, le mieux est de ne pas vous forcer à manger. Vous me direz : « et le cortisol du matin ? ». Ce que je vous ai indiqué est vrai dans le cas d’une personne en bonne santé. Divers phénomènes, et notamment l’épuisement chronique, peuvent perturber la sécrétion du cortisol (et d’autres hormones, d’ailleurs). Certaines personnes peuvent ainsi en sécréter plus le soir que le matin. Elles sont généralement plus éveillées le soir que le matin et ont du mal à se coucher tôt. C’est un signe d’épuisement, qui implique aussi un épuisement du système endocrinien, producteur des hormones. Il pourrait être préférable pour elles de sauter le repas du soir dans un premier temps, en attendant que le système endocrinien se régénère et reprenne un rythme de sécrétion plus naturel.

Autre possibilité, en transition, ponctuellement ou pour une longue durée, si vous avez l’impression d’avoir faim au réveil : remplacer les petits déjeuners traditionnels (jus d’orange industriel, café, lait, céréales ultra-transformées, viennoiseries, pain blanc-beurre-confiture ou miel, etc.) par des fruits de saison : certes, il s’agit d’une rupture du jeûne avant l’heure, mais les fruits se digèrent vite et bien, contrairement aux produits que j’ai cités précédemment, et ne vous alourdiront pas.

En conclusion

Le petit déjeuner comme obligation incontournable pour être en bonne santé et pour la croissance des enfants est un mythe, qui sert essentiellement les intérêts de l’industrie agroalimentaire.

La pratique quotidienne du jeûne intermittent présente de nombreux avantages en termes de santé, de vitalité et de praticité, sans compter les gains de temps et d’argent.

Les principes, s’ils sont justes, doivent être adaptés à chaque cas individuel, et il est donc possible, si notre ressenti nous y incite, de sauter un autre repas que le petit déjeuner. En toutes circonstances, notre meilleure boussole est notre ressenti ; si nous prenons la peine de l’écouter, il nous guide vers ce qui est le mieux pour nous. En cas de doute, un accompagnement par un naturopathe vitaliste peut donner l’éclairage nécessaire et adapté au cas d’espèce.

Références

1 – https://www.mangerbouger.fr/Manger-mieux/Que-veut-dire-bien-manger/Pourquoi-est-il-important-de-se-reunir-autour-de-repas-reguliers

2 – Cf. ces deux études citées par cet article : https://www.directe-sante.com/petit-dejeuner-les-7-bobards/ : Prospective study of breakfast eating and incident coronary heart disease in a cohort of male US health professionals, Cahill LE, Circulation. 2013 Jul 23 et Deleterious effects of omitting breakfast on insulin sensitivity and fasting lipid profiles in healthy lean women, Farshchi HR, Am J Clin Nutr. 2005 Feb.

3 – https://naturalathleteclub.com/blog/jeune-intermittent-bienfaits/

4 – https://www.francetvinfo.fr/sante/environnement-et-sante/les-produits-ultra-transformes-auraient-des-consequences-alarmantes-sur-la-sante_2545319.html

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